
Sortie: 23/03/1949
Scénario, adaptation: Marcel Rivet; Dialogue: Charles Exbrayat; Photo: Marcel Grignon; Musique: René Sylviano; Décor: Jacques Colombier; Assistants réalisateur: Jack Pinoteau, Jean Lefevre; Production: C.I.C.C (Raymond Borderie), Films Corona.
Tournage: Paris Studio Cinéma (Boulogne), Routes Tour 1948. (avec wikipedia, Cinemafrançais)
1 370 267 spectateurs (280 195 à Paris)
90'
Un meurtrier supprime quatre coureurs et menace un directeur sportif sur le Tour de France 1948 en signant ses crimes d'une tulipe rouge. La journaliste Colonelle et l'inspecteur de police Ricoul mènent l'enquête pour arrêter l'assassin à l'arrivée du Tour, au Parc des Princes.
Suzanne Dehelly: Colonelle, la journaliste; Jean Brochard: le commissaire Honoré Ricoul; Luc Andrieux: Charles Brugeat; Robert Berri: Jacques Mauval; Robert Blome: Jef Dooksen; Roger Bontemps: un reporter; Albert Broquin: un mécano; Annette Poivre: Annette; Raymond Bussières: Albert "La Puce" Jacquin; Emilio Carrer: Gambarra; René Dary: Pierre Lusanne; Jean Debray: Tonnelier; Émile Genevois: Robert; Pierre Louis: Charolles; Robert Le Fort: Basile, le photographe.
LE TEMPS DE PEDALER ET DE MOURIR
C'est encore une photo, cette fois-ci comparée à une autre, plus ancienne, qui résout l'intrigue de ces «5 Tulipes rouges». C'est à croire qu'en cette fin des années 40 le Mal doit s'impressionner sur la pellicule, des fois que les mémoires s'effilocheraient....Cinq champions cyclistes sur un cliché et 5 tulipes écarlates, les fleurs d'un bouquet remis au Vainqueur (l'un des 5 en question). Le meurtrier, revanchard et vengeur, perdra la raison avant que la justice immanente par le pistolet d'un flic débonnaire mais perspicace, prude mais pêcheur à la ligne, accomplisse son destin....
Bref le film de Jean Stelli flotte bien dans l'air vicié du temps d'après guerre. Mais il ne reste pas pour autant inodore et sans saveur. Rien que par cette Colonelle, qui, là, n'est pas la tendre épouse d'un haut gradé, mais - nous sommes en 1948/49- une femme d'un certain âge, habillée d'un pantalon et d'une saharienne, qui parle, conduit, fume et boit du whisky, tel un journaliste sportif sur le Tour de France, ce que, du reste elle est ! Rappelons qu'à l'époque les Femmes- journalistes et autres- étaient quasiment interdites, du moins indésirables sur la Grande Boucle ! A l'exclusion, bien sûr, des Miss à l'arrivée, des spectatrices sur les bas-côtés et d'Yvette Horner (un peu plus tard il est vrai) derrière son accordéon. Stelli, Marcel Rivet le scénariste et la formidable Suzanne Dehelly (celle-ci étant alors l'épouse du précédent nommé) retournent, comme une peau de lapin, un personnage machiste par excellence. Sauf que vers la fin la Colonelle, admet, qu'elle a peur «comme une femme» et, surtout, semble désemparée d'avoir découvert dans le coupable celui qu'elle...Enfin ! On n'en saura pas plus ! Sinon que dans un très beau plan final, elle s'en va, seule, marchant dans le Parc des Princes déserté après la fête populaire de l'arrivée de l'épreuve. Comme disait Louis Aragon: « le silence après le passage du Tour, c'est encore le Tour».

A propos du film suivant de Stelli, «Envoi de fleurs» (1950), Jacques Lourcelles (Dictionnaire du Cinéma) évoque «une œuvre sensible et insolite aux accents sirkiens». Tiens, tiens, et pourquoi pas !
Là, Stelli se contente d'inscrire sa petite intrigue dans le décor somptueux du Tour 48. C'est réussi au-delà du possible. Il alterne avec une rare aisance, les prises de vues sur le vif, avec les scènes reconstituées, interprétées par des acteurs sur vélo, en cuissard et tunique ou installés dans des voitures «suiveuses» et avec des intérieurs filmés en studio. Grosso modo, le film chemine en même temps que ce Tour 48, passant par les différentes étapes du parcours réel. Si le vainqueur n'est pas le campionissimo Gino Bartali, comme ce fût le cas, c'est un jeune français, évidemment, qui ramène à Paris le Maillot Jaune. Et si la squadra azura envisagea bien de quitter l'épreuve avant terme, ce ne fut pas parce qu'elle se sentait menacée par un quelconque serial killer pour coureurs, mais parce que dans la péninsule, le leader du puissant parti communiste (PCI) Palmiro Togliatti avait failli être assassiné, ce qui provoqua grèves et émeutes.
Et, en plus, René Dary est émouvant en champion à la carrière brisée et directeur sportif avisé et Jean Brochard constitue une sorte de Maigret, non fumeur et tempérant mais épais, bonhomme et malin à souhait. Il peaufine sans doute son magnifique personnage du commissaire Brevet pour l'exceptionnel « Raffles sur la ville » (1957) de Pierre Chenal. Quant à Raymond Bussières et Annette Poivre (photo), on les croit destinés à leur rôle du mécano et de la secrétaire parigots.
Jean Stelli, qui n'était pas Douglas Sirk, avait déjà régalé les très nombreux admirateurs de l'épreuve Reine du sport Roi qu'est le cyclisme, grâce à «Pour un maillot jaune» en 1939, que nous n'avons hélas pas (encore) vu.
JLIPOLAR, Posté le samedi 11 janvier 2014 01:20
Vous connaissiez ce film et ce réalisateur ?